Initialement utilisés par les plateformes d'archivage et de gestion documentaire, les thésaurus prennent une place significative dans les autres applications des entreprises. Cela devient même un enjeu stratégique pour elles d'harmoniser les langages techniques ou de marque. Cette démarche contribue à assurer une cohésion entre les différentes plateformes de l’entreprise et à réussir sa transformation digitale.
Les thésaurus deviennent également des éléments clés quand il s’agit de publier des documents vers l’extérieur, notamment pour profiter pleinement du référencement des moteurs de recherche.
Pourtant après avoir mis en place plus de 300 projets de Digital Asset Management, nous sommes toujours surpris par l’absence de référentiels lexicaux chez nos clients.
Nous partons souvent de zéro pour établir le thésaurus. Ce constat est surprenant car les organisations ont très souvent déployé des projets proches du knowledge management : gestion électronique de documents, gestion de contenu, e-Commerce, marketing automation, projets seo…
Ce référentiel commun de termes devrait donc exister. Pourtant c’est rarement le cas. Nous sommes amenés à tout recréer pour le projet de DAM.
Pourquoi ?
Une première explication est donnée par la nature même des projets de DAM dont les contenus sont peu indexables sans un minimum de métadonnées. Les bases de données traditionnelles ou les GED peuvent facilement bénéficier de moteurs de recherche plein texte puissants.
Sur les images ou les vidéos c’est une autre histoire. Les technologies de reconnaissance de forme ne sont pas assez mûres pour répondre avec précision. Il est donc indispensable de passer par l’étape d’indexation de métadonnées textes et donc par des thésaurus.
La seconde est probablement liée au cloisonnement des différents services. Même si une équipe a mis en place des nomenclatures de mots clés, elle ne partage pas toujours ces dictionnaires avec les autres. Cela s’explique principalement par la disparité des univers sémantiques entre les services. Chacun dispose de ses propres langages, de ses termes. Le service technique utilise un vocabulaire différent de celui du marketing. La convergence est donc complexe.
Notre équipe documentaire intervient systématiquement pour auditer le fonds documentaire, conseiller l’entreprise et définir son référentiel de mots clés.
Ainsi le thésaurus défini dans le cadre du DAM va, de fait, se positionner comme une base de référence.
Se pose alors la question de la légitimité de cette nouvelle réalité. Même si un effort important a été mené au sein du DAM pour établir ce référentiel du langage de l’entreprise, pourquoi ne pas déléguer sa gouvernance à un collectif plus large ? En effet de nombreux services sont amenés à exploiter des listes de termes clés. Le service communication a besoin d’harmoniser les éléments de langage autour de la marque. Tandis que le marketing va être chargé de normaliser les mots-clés des offres et des produits à des fins de SEO, etc…
Une démarche vertueuse consiste à mettre en place des référentiels autonomes pour gérer tous ces langages de référence. De nouveaux dispositifs existent. Ils vont être dédiés à la gestion de ces contenus et chargés de diffuser les terminologies aux autres applications. Ainsi le DAM, le PIM, la GED et autre CRM viennent s’y référer.
Sur le plan technologique, les nouvelles solutions sémantiques basées sur la norme RDF apparaissent lentement dans les entreprises. Initialement réservées aux spécialistes documentaires elles ont vocation à se démocratiser. Toutefois, rares sont les organisations à déployer ces bases dites triplestore.
Leur mise en place nécessite une certaine technicité. Les technologies ne font pas encore partie des standards technologiques des entreprises. Il y a donc une certaine frilosité.
Le bénéfice promis par ce nouveau paradigme doit également faire ses preuves.Pour être utile, il est nécessaire de modifier les applications existantes en redirigeant leur référentiel local vers ces nouvelles bases. Le coût est donc significatif et la perspective d’un retour sur investissement incertaine.
Les performances sont également un frein. En appelant des référentiels externes, l’expérience utilisateur des applications finales peut être sévèrement dégradée.
Cela soulève également des questions de taille sur la gouvernance des données. Qui peut assurer la gestion et l’animation de ce référentiel unique ?
Auparavant, chaque service était autonome dans le pilotage de son référentiel de mots clés. Demain, il faudra échanger et partager.
La conquête du pouvoir sur les métadonnées de l’entreprise va donc démarrer.
Depuis quelques années, la fonction de Chief Knowledge Officer (CKO) se développe au sein des organisations. Son rôle est de piloter tous les sujets liés à la gestion des connaissances de l’entreprise. L’organisation et l’animation de thésaurus transverses rentrent pleinement dans son champ d’actions. Véritable gardien du temple sémantique de l’entreprise, le CKO devra assurer la pertinence de ces nouvelles sources de savoir.
Les langages étant par nature vivants, de nouveaux termes viennent chaque jour enrichir, remplacer, ou supprimer les terminologies existantes. Il devra faire évoluer ce référentiel au grès des sorties produits, des évolutions technologiques liées au secteur de l’entreprise, ou des nouvelles tendances consommateurs. Le CKO va bien évidemment s’appuyer sur différents experts pour établir ce référentiel et travailler sur les problématiques de synonyme ou d’équivalence.
Nous souhaitons donc plein de succès à tous les CKO qui devront faire preuve d’une grande agilité dans leur gouvernance.
Propos recueillis auprès de Thomas Larzillière - CEO de Keepeek